Boîte à outils pour résister à la barbarie

Boîte à outils pour résister à la barbarie

image de couverture inspirée de l’image de couverture de la vidéo Big Brother is Watching You, de Aperture, URL : https://www.youtube.com/watch?v=R_HQW9IYOZM


Scénario

Comment vivre dans un monde où tes idées ne sont plus acceptées?

Comment vivre dans un monde où tu te sens en marge, dans lequel chacune de tes pensées est appréhendée comme déviante?

Né.e dans les années 90, je ne me suis jamais demandé ce que je ferais si ma vie devenait un roman dystopique. Fahrenheit 451, 1984, Globalia, ces romans sont censés rester fictifs. Leur succès repose entièrement sur la peur qu’ils deviennent réalité, même si l’éternel refrain reste : “c’est impossible”, “pas dans nos sociétés évoluées”.
Néanmoins, un jour, on se réveille et on se rend compte que l’extrême droite est devenue un parti banalisé, qui ne soulève plus aucune indignation, et qui est promis à un bel avenir en politique nationale. Tout devient politique, tout est soit d’extrême droite, soit censuré. J’ai pourtant connu mon pays “neutre” ou, du moins, plus que maintenant. Une période lointaine où je pouvais exposer mes idées à voix haute, lire n’importe quel livre en public, sans craindre une arrestation, une attaque, mais qui a presque disparu de ma mémoire. C’est de cela qu’est fait notre monde actuel; façonné par les élites d’extrême droite voire d’ultra droite.

Notre parti national, le PNUD (Parti National d’Ultra Droite), à la tête de la nation depuis 2027, glisse ses idées de plus en plus perverses dans nos esprits au fur et à mesure de ses mandats. Tout d’abord réticent aux idées de gauche, notre Président a rapidement commencé à les bannir. En gagnant la grande majorité des places au Parlement, le Président a rapidement pu mettre en place sa politique. Il a attiré les foules par son charisme et ses belles paroles, en promettant la gloire retrouvée de la France, après sa période d’affaiblissement du début de la décennie 2020. Beaucoup de nationalistes se sont retrouvés en lui. Trop. Élu par 56% des Français, sa figure s’est imposée très vite comme un symbole du pays, à côté du drapeau, remplaçant Marianne. Tel un dictateur dans un film dystopique, il a commencé par des mesures simples, puis, dès la confiance du peuple trouvée, les lois liberticides sont apparues. Pourquoi devoir faire face à la critique quand on peut la faire disparaître par une censure? Pourquoi autoriser la diversité des idées à la télévision quand on peut imposer ses idées? De mesure en mesure, sans que la population s’en rende compte, il s’est imposé en figure autoritaire. Les idées différentes sont devenues censurées ou leurs auteurs ont subi des arrestations par la police, qui dissimule à peine sa corruption. Notre démocratie s’est éteinte, selon moi, le 15 décembre 2029. Ce jour-là, un attentat a été perpétré contre le siège du PNUD, réalisé officiellement par les membres du Comité Invisible, un groupe anonyme d’ultra gauche. Cependant, après des recherches auprès des quelques journaux de gauche encore existants, nous avons compris que cet attentat avait été perpétré par des proches du PNUD. Il s’agissait donc d’une mascarade orchestrée par le pouvoir en place afin de discréditer, encore davantage, l’extrême gauche. Par la suite, il s’est attribué les pleins pouvoirs, “à temps de crise, mesures de crise” a-t-il dit. Les partis et idées de gauche ont été bannis, considérés comme trop “dangereux” pour notre pays.

Désormais, l’extrême droite règne en maître absolu sur la France. Au fur et à mesure que les idées disparaissent, les porteurs d’idées disparaissent également. Tout d’abord les journaux de gauche, il n’en reste plus un seul. Les livres de gauche sont interdits les uns après les autres, Le manifeste du parti communiste en premier lieu. Et puis des livres écrits par des personnes noires, asiatiques, hispaniques se volatilisent avant que cela ne soit le cas des livres écrits par des féministes, des livres promouvant des identités sexuelles différentes de l’hétérosexualité, des livres écrits par des personnes de confession juive, musulmane… Ces livres n’ont, officiellement, plus leur place en France. Chaque livre non écrit par un homme blanc et qui favorise une idée “dérangeante” pour la République disparait. Le discours sur le colonialisme, le Deuxième Sexe, Si c’est un homme,…, tous ces chefs-d’œuvre sombrent dans l’oubli et l’indifférence des troupes. Autant de chefs d’œuvres que je dois faire disparaître de ma bibliothèque. Autant de chefs-d’œuvres que je ne ferai pas disparaître de ma bibliothèque. Un acte de résistance dira-t-on? Un acte de conscience je préfère dire. Ils ne peuvent pas disparaître, ils ne doivent pas. A chaque livre maintenant interdit que j’amène au dépôt, j’en cache deux encore plus interdits dans ma bibliothèque. Petit à petit, je réunis des dizaines de livres, si je peux en acquérir d’autres, je le fais. Des libraires indépendants subsistent en se faisant passer des livres interdits, dissimulés derrière des armoires, que seuls quelques habitués peuvent trouver. C’est notre résistance à nous. La résistance des idées, par les livres.


Notre valise


Introduction

Comment garder ses valeurs dans un monde qui ne les soutient pas ? C’est là toute l’utilité de ma valise !

Quand l’extrême droite est arrivée au pouvoir et a détruit toutes nos valeurs passées, je me suis ressaisis. Je n’ai pas pu me laisser aller à la destruction de nos œuvres antiracistes, féministes et pro-liberté. J’ai donc construit cette valise, qui rassemble selon moi, des ouvrages forts en valeurs autant pour nous pousser à l’action que pour nous permettre de garder notre morale et ne pas s’abandonner à la faiblesse de l’extrême droite.

Au départ, j’avais envie de faire différentes catégories afin de permettre une certaine organisation. Néanmoins, au fil de mes recherches et des acquisitions que je faisais, je me suis rendu compte de l’absurdité de cette classification. Les livres se complètent, se renvoient les uns aux autres. Je ne pouvais me permettre de les cantonner à un sujet en particulier.

J’espère que cette valise pourra permettre au plus grand nombre de se rappeler les valeurs humanistes qui étaient consacrées dans notre démocratie et de nos libertés !


Livres choisis


Mes livres « Cabanes »

La seule catégorie que j’ai pu créer, c’est celle des « cabanes ». Ce sont des livres qui n’ont pas directement à voir avec les valeurs que je défends, ou les conseils que les auteurs.trices ont pu donner pour développer notre sens critique ou pour détruire une dictature. Dans un contexte très anxiogène comme celui-ci, il me semblait essentiel d’emmener avec moi des livres à feuilleter pour m’évader.

Chaque livre devient un refuge pour moi. Leur sélection est très personnelle, ils sont là soit parce qu’ils me ramènent à mes doux souvenirs d’enfance, soit parce qu’ils permettent de me transporter dans un monde aux valeurs qui me correspondent et qui laisse place aux rêves.  

Même si ma valise est composée de nombreux livres engagés, je reconnais que cette réflexion constante sur la politique, le racisme, le sexisme, ou plus généralement sur le monde est drainante psychologiquement et physiquement. Si, à la lecture de cette valise, l’angoisse devient trop forte : prends un livre sur cette étagère cabane pour marquer un temps de pause et d’évasion.


Conclusion



Derrière cette valise, que je construis comme un trésor, qui conserve les valeurs anéanties par l’extrême droite, je dois bien reconnaître que la sélection des ouvrages est subjective, influencée par mon histoire personnelle. Mon point de vue reste très européano-centré ce qui conditionne ma culture et mon éducation littéraire. Cette valise, composée par mes soins, ne parlera pas à tout le monde. Pourtant, je reste conscient que les valeurs renfermées à l’intérieur sont d’autant plus précieuses qu’elles sont presque éteintes de nos jours… Si jamais cette valise venait à tomber entre les mains du pouvoir alors tous mes efforts seraient vains. Elle sera sûrement détruite directement pour ne pas propager des idées contraires au régime, vues comme des « menaces » pour l’ordre établi. C’est aussi pour cela que je tiens à rester anonyme. En France, nous sommes sous haute surveillance et, si l’état parvient à me trouver, je serai condamné à mort.

Néanmoins, si par chance, une personne commence à s’intéresser à ma valise, puis une autre, entraînant une troisième, jusqu’à créer un petit groupe, alors cette réunion pourrait être un espoir pour repenser le monde détruit par ce chaos politique. 

Cependant, bien que ma valise défende clairement des valeurs fortes, censurées par le pouvoir, comme la lutte contre le racisme ou la défense du féminisme, elle ouvre aussi la réflexion pour emprunter des voies nouvelles. Si le monde s’est laissé guider dans la barbarie, reprendre et réaffirmer les valeurs du passé ne semble pas suffisant pour le réinventer. Cette valise constitue le socle d’une réflexion qui se veut bien plus grande, il s’agit de dépasser les limites imposées par le pouvoir et de s’interroger simultanément sur tout. En effet, limité par mes bagages, je n’ai pas apporté de livres sur plusieurs sujets qui restent importants car toutes les luttes doivent se penser comme interdépendantes et intersectionnelles lorsqu’on veut penser l’avenir collectivement. À l’heure où vous lisez ceci, les services du PNUD ont sûrement déjà brûlé mon ouvrage d’Afrotopia de Felwine Sarr ou encore celui de Frédéric Lordon Vivre sans ?, laissés chez moi et sacrifiés à contrecœur. 

L’état encadre le peuple par ses idées autoritaires mais sortir de ce système nous guide vers l’inconnu et donc une multitude de problématiques nouvelles sont à créer, expérimenter, justifier… C’est pourquoi, s’il reste un peu de place, j’espère que cette valise sera, dans le futur, enrichie par des livres qui expriment des pensées novatrices et qui pourront trouver refuge ici, sans avoir à craindre d’être menacés par le pouvoir. 

Il est temps de créer de nouvelles histoires et de les faire vivre. Le réel nous appartient, à nous de l’inventer !

écrit par Julia Bonnifait, Laura Bagage, Alice Ayrault, Zoé Gallard et Manon Colombo



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *